Contexte – Problématique

Pour une meilleure compréhension de cette partie, il est vivement conseillé de lire au préalable la présentation globale de la recherche.

1. Projet mené par Brigitte Plomteux et portant sur la compétence « compréhension à la lecture » relative à un texte d’un sujet à caractère socio-économique et visant une compréhension fine de l’entièreté du texte

La compréhension à la lecture est importante dans un cours de langue étrangère:
• elle est un des quatre « skills » de base (lire, écrire, comprendre, parler) et, à ce titre, elle est enseignée et testée communément dans le cours de langue étrangère;
• dans notre civilisation de l’écrit, savoir lire (et donc comprendre l’écrit) est primordial pour pouvoir fonctionner correctement dans la société (i.e. être un citoyen engagé, qui peut exercer son sens critique, qui peut avoir un emploi à haute valeur ajoutée, qui peut exercer ses droits et devoirs citoyens en connaissance de cause);
• et globalement, savoir lire, aimer lire, nous rendent plus humains – n’oublions pas que l’Histoire de l’humanité a commencé avec l’invention de l’écriture, et donc, de la lecture. Si au 21ème siècle, cette lecture prend une multitude de formes différentes, elle est toujours omniprésente dans notre société et est une des compétences testées par PISA – avec, en 2018, des résultats en baisse et inférieurs à la moyenne des pays OCDE (481 pour la FW-B pour 487 pour l’OCDE).

En BAC 2 Commerce extérieur, les étudiants ayant le cours de néerlandais langue choix sont testés sur leur compréhension à la lecture, aux sessions de janvier et de juin (et août / septembre) via un test de type « gap fill » sur la plateforme HELMo Learn. Ce test consiste à replacer, dans un texte qui compte entre 500 et 750 mots, 20 à 25 mots retirés selon des critères laissés au choix de l’enseignant (le sens, la présence d’un préfixe, ou d’un suffixe …). Les étudiants disposent de la liste des mots manquants, sans distracteurs.
Or, les résultats à cet exercice sont généralement très insuffisants (janvier 2020: cote moyenne de 3.89/20 pour cette compétence, pour une cote de 8.40/20 pour l’ensemble de l’examen, dans un groupe) Plusieurs facteurs peuvent expliquer cela:
• stress lié à l’examen (test à durée fixe) – mais cela vaut pour tout l’examen ;
• stress lié à la lecture sur écran vs. sur papier ;
• manque de connaissances en vocabulaire ;
• manque d’habitude / d’entrainement de la part des étudiants (des tests d’entrainement sont proposés en ligne sur HELMo Learn, du même type qu’à l’examen, mais très peu utilisés) ;
• type d’exercice, exigeant une compréhension fine, à la différence d’exercices demandant une compréhension plus globale du texte ;
• choix fait au hasard (manque de temps, pas de sanction pour réponse fausse (un blanc ou une mauvaise réponse = même cotation) ;
• et mauvais choix grammatical, notamment syntaxique: mot ne convenant pas à l’endroit choisi, soit parce que la nature ne convient pas, soit parce que la place dans la phrase ne convient pas ;
• lien avec un niveau général de compétence de lecture en langue maternelle, voir les derniers résultats PISA.

2. Projet mené par Sabine Jacob et portant sur Développement d’un outil d’entrainement en ligne pour améliorer et consolider la maîtrise des règles écrites du français

Pourquoi renforcer ses compétences orthographiques ?

Dans une société où l’écrit a pris une place primordiale, l’absence d’une maîtrise correcte de l’orthographe peut être un frein, voire un réel handicap dans toute situation de rédaction, tant dans l’enseignement supérieur que dans le monde professionnel.

  • Dans l’enseignement supérieur

Une étude empirique récente du TEPP (laboratoire de recherche Travail, emploi et politiques publiques) du CNRS , intitulée « Faut-il encourager les étudiants à améliorer leur orthographe? » (Bellity et al., 2016), a montré l’impact de la maîtrise de la langue française sur la réussite à l’Université.

Pour Yannick L’Horty, professeur des universités et coauteur de cette étude, l’amélioration de la maîtrise de la langue peut produire des effets sensibles sur les résultats et peut être un moyen de lutte contre l’échec.

  • Dans le milieu professionnel

L’usage de l’écrit ne cesse de croitre dans les organisations. L’importance actuelle des outils numériques renforce encore l’omniprésence de l’écrit. Selon une étude (Moatty & Rouard, 2010), plus d’un tiers des salariés passent au moins un quart de leur journée de travail à rédiger. Par conséquent, les compétences scripturales, parmi lesquelles la maîtrise de l’orthographe, apparaissent aujourd’hui indispensables.

Pourtant, les salariés ne satisfont pas toujours cette demande : les fautes sont nombreuses dans les écrits professionnels. Ces déficiences génèrent des conséquences négatives pour les organisations : elles sont coûteuses, nuisent à la productivité des salariés, affectent l’image de l’organisation, la confiance des clients et au final leurs intentions d’achat. Durant la phase de présélection des dossiers de candidature, les recruteurs se forgent une première impression du niveau d’expression écrite des candidats. Plusieurs études montrent que les dossiers comportant des fautes d’orthographe amènent les recruteurs à inférer des attributions sur les compétences et traits de personnalité des candidats. (Lacroux, 2015)

Une enquête plus récente (Ipsos, Enquête employeurs 2021) va dans le même sens : 86% des employeurs considèrent que la maitrise de l’expression écrite et orale est une compétence importante dans leur secteur d’activité et 76% des employeurs estiment que leurs équipes sont confrontées à des lacunes d’expression écrite et/ou orale et en orthographe.

  • Conclusion

L’orthographe est le domaine par excellence où la non-maîtrise s’avère stigmatisante, discriminante tout au long de la scolarité, puis plus tard dans la vie professionnelle et même privée et affective, faisant naitre chez certains un sentiment d’insécurité (Sautot, 2001).

« Or, les difficultés orthographiques – et plus généralement rédactionnelles – des étudiants entrant à l’université apparaissent aujourd’hui comme une réalité » (David, 2014) à laquelle les universités et Hautes Ecoles doivent faire face. Ainsi, de nombreux établissements d’enseignement supérieur belges et étrangers ont mis en place des dispositifs visant à résorber le problème (Wallet, 2022), (Projet HELangue, s. d.), (Demanet, 2021).

Références bibilographiques

Barnier, D., & Fischer, M. (2021). Attentes des employeurs et maîtrise de l’expression (enquête réalisée pour le Projet Voltaire). IPSOS.

Bellity, E., Gilles, F., l’Horty, Y., & Sarfati, L. (2016). Faut-il encourager les étudiants à améliorer leur orthographe? https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01292167/document

David, J. (2014). Les écarts orthographiques à l’entrée à l’université. Le francais aujourd’hui, n° 185(2), 95‑106.

Demanet, L. (2021). Réflexion épistémologique sur la recherche inter-Hautes Ecoles autour de la « maitrise de la lanque française ». Journée des chercheurs en Haute Ecole 20-21, 118‑128.

Lacroux, C. M. (2015). La prise en compte des fautes d’orthographe dans les dossiers de candidature par les recruteurs : Une étude empirique par la méthode des protocoles verbaux. @GRH, n° 14(1), 73‑97.

Moatty, F., & Rouard, F. (2010). L’écrit au travail et ses déterminants chez les salariés en France en 2005. Travail et emploi, 122, 39‑52. https://doi.org/10.4000/travailemploi.1555

Projet HELangue. https://www.poleacabruxelles.be/centre-de-didactique/projet helangue/

Sautot, J.-P. (2001). Orthographe et sentiment d’insécurité linguistique. Emotion, interaction et développement. https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01269752/document

Wallet, P.-H. (2022, mai 24). Orthographe : Une professeure d’université s’alarme du niveau des étudiants et dénonce l’usage abusif des photocopies à l’école. Le Figaro.fr étudiant. https://etudiant.lefigaro.fr/article/orthographe-une-professeur-d-universite-s-alarme-du-niveau-des-etudiants-et-denonce-l-usage-abusif-des-photocopies-a-l-ecole_f8b0b2d4-d290-11ec-b9d5-a7ac38695a14/

3. Projet mené conjointement et portant sur la mesure de l’impact de la maitrise des connaissances grammaticales françaises sur la compréhension de textes en néerlandais

Il s’agit ici de mettre l’accent sur la situation de chaque discipline et poser comme un préalable à la réussite des apprentissages que les étudiants puissent les aborder dans une perspective de décloisonnement et comprendre les rapports effectifs que les disciplines entretiennent entre elles du fait de leurs contenus, de leurs objectifs. C’est d’ailleurs cette posture que Michel Candelier suggère d’adopter. En effet, pour lui, enseigner une langue implique de prendre en compte l’ensemble des compétences linguistiques des apprenants, afin de les aider dans la mise en relation entre cette nouvelle langue et les autres (Candelier, 2016). Il recommande de favoriser le développement de compétences plurilingues, de construire une compétence métalinguistique globale, à laquelle diverses matières linguistiques sont conviées.

Plus concrètement, nous avons observé que les étudiants éprouvaient des difficultés à réaliser un exercice sur la plateforme en néerlandais. Cet exercice consiste à comprendre un texte de manière très pointue et précise et à tenir compte aussi bien du sens du texte que de la grammaire pour répondre correctement. Il requiert des notions d’analyse grammaticale que les étudiants ne maitrisent vraisemblablement pas. En effet, les mots à choisir, à placer dans la phrase, sont de natures différentes (verbes conjugués, adjectifs, infinitifs, noms…). Connaitre ces classes de mots est donc indispensable pour placer les éléments au bon endroit et ainsi donner du sens à la phrase.

A partir de cette observation, nous avons émis l’hypothèse suivante : si les étudiants réalisent des exercices d’analyse grammaticale en français sur la plateforme, affinant de la sorte leur conscience métalinguistique, ils seront mieux armés, ils rencontreront moins de difficultés à faire un exercice de compréhension de texte en néerlandais. Le français et le néerlandais étant deux langues indo-européennes avec une même classification dans la nature des mots, un transfert devrait pouvoir se faire de la meilleure connaissance de la nature des mots et de leur emploi du français considéré comme langue maternelle (attention, ce n’est pas le cas pour tous nos étudiants) vers le néerlandais langue étrangère. Ce transfert ne suffirait pas à résoudre tous les problèmes ou à corriger toutes les erreurs, car si la nature des mots dans les deux langues présente beaucoup de similitudes, les différences sont bien présentes. Par exemple:
• en néerlandais, un adjectif attribut n’est jamais accordé, alors qu’en français l’accord se fait avec le sujet (ou le CDV pour un attribut du CDV). Source d’erreur fréquente chez les étudiants, qui ont tendance à réagir en raisonnant « il y a un accord en français, donc il en faut un en néerlandais » (Houdé 2014, apprendre à résister, système heuristique vs algorithmique) ;
• les formes verbales complexes du néerlandais (formes comprenant plus d’un élément verbal) n’ont pas la même structure. Là où le français aurait « auxiliaire – participe passé – infinitif » (j’ai dû travailler) le néerlandais pourrait avoir « auxiliaire plus deux infinitifs », le premier étant en réalité un participe passé assimilé à l’infinitif (ik heb moeten werken) ;
• la combinaison « nom + adjectif » du français, dans laquelle l’adjectif définit plutôt qu’il ne décrit le nom (ville natale, expérience professionnelle) le néerlandais propose généralement un nom composé (geboortestad, beroepservaring) ;
• en français, « de » peut être préposition (le nom de cet étudiant) ou déterminant (il a de bons résultats), en néerlandais le choix devrait être différent ;
• la valence de certains verbes n’est pas la même – un verbe transitif en français ne l’est pas nécessairement en néerlandais, et vice-versa ;
• la quasi-totalité des adverbes sont aussi adjectifs, et vice-versa. « Een goede student werkt goed » – « un bon étudiant travaille bien » – même mot, mais nature différente ;
• à l’inverse, le français utilise certains adjectifs comme des noms « Un Français vend des produits français » – « Een Fransman verkoopt Franse producten ». En néerlandais, adjectif et nom sont presque toujours différents ;
• etc.

Les références bibliographiques se trouvent dans la partie Divers.